Le temps d'une balade furtive en fin de matinée, nous avons décidé de "passer de l'autre côté" de la mer.
Le soleil bien haut dans le ciel cognait déjà fort. Le Carême a enfin pris place.
Le Tombolo, ce band de sable qui relie Sainte-Marie à l'îlet est "ouvert".
On peut marcher entre deux eaux tout en se laissant caresser le pieds par le croisement de deux vagues, l'une en face de l'autre.
Inédit non ? Surtout que le passage ne reste pas ouvert toute l'année. En effet, à la saison des pluies, la mer monte et reprend sa place.
On ne s'imagine alors pas que traverser à pied, pour rejoindre l'îlet Sainte-Marie, une réserve naturelle protégée, est possible.
Le site est bien aménagé avec pontons et marches en bois.
La balade est facile et la vue sur la commune de Sainte-Marie d'un côté et celle sur l'Atlantique de l'autre, est magique !
On ne monte pas bien haut mais cela suffit à en prendre plein les yeux !
Le Tombolo permet aux pêcheurs de se faire plaisir et parfois, quelques cavaliers font la traversée.
Petits et grands y trouvent leur compte et profitent des avantages offerts par la marée basse.
Mais ce jour là, il faisait chaud !! Les estomacs criaient déjà famine et les bouches commençaient à se dessécher !
Nous sommes allés manger au restaurant situé juste en face de l'entrée du Tombolo, restaurant tenu par le chef Bredas !
Il n'est pas besoin de venter les mérites de la cuisine de ce chef connu en Martinique. Nous nous sommes régalés de produits frais et parfaitement assaisonnés. De quoi clôturer cette balade aussi délicieusement qu'elle avait commencée.
Mais je me suis senti frustrée. Le côté plus au nord de l'îlet n'a pas été exploré, faute de temps.
Je me suis alors promise de revenir au lever du soleil pour vivre la magie du lieu dans le calme et la lumière dorée d'un soleil levant…
Me revoilà donc vers 6h00 du matin avec Loée.
Calme.
Quiétude du lieux.
Juste le soleil qui effleure le sable de ses rayons naissants, quelques pêcheurs, nous, le Tomoblo et Manman Dlo…
On a pris le temps de lire les panneaux situés tout le long de la balade sur l'îlet. Je vous donne ici quelques extraits…
L’îlet de mon cœur, par Manman Dlo
Ton ombre qui t’est toujours si proche, qui partout ici nous suivra, toi visiteur attentif et moi,
Yémanga, comme on m’appelle au Brésil, moi, Rémora, comme on dit à Cuba,
moi Mami Wata, de vrai nom qui te révèle ici aujourd’hui…
Oui, Moi, déesse mère des eaux d’Afrique et chez les enfants d’Afrique en Diaspora, moi la sirène qui répond ici,
en terre martiniquaise au doux nom de Maman Dlo.
Je te reçois ici à l’îlet comme dit ma marmaille d’ici qui hélas, de plus en plus m’oublie et me néglige.
Moi qui suis pourtant toujours si heureuse de regagner chaque année ses rives.…
"Visiteurs, as-tu remarqué à quel point l'îlet représente des paysages contrastés ?
Boisés ici, ratiboisés là, tout cela c'est à cause du vent et de la mer !
Mais comme tu vois ici, la végétation s'accroche.
Imagine-toi qu'à l'endroit où tu te trouves en ce moment même, on faisait pousser de la canne à sucre !
Les cabris, moutons, poules et cochons qui ont été imprudemment parqués jadis, ont fait des ravages sur la végétation naturelle !
Mais tu connais Dame Nature, très résistante, elle héberge ici poirier pays, du raisinier, très fort pour résister aux embruns,
des pois bord de mer, de la patate bord de mer et du petit balais savane qui ont su coloniser naturellement l'espace."
Je suis Manman Dlo, mais je ne suis pas Manman Dlo
Je suis l’homme, je suis la femme, je suis l’enfant
Je ne suis ni homme, ni femme, ni enfant
je suis le bon et je suis le méchant
Je suis le petit et je suis le grand
Je suis le riche, je suis le pauvre
Et sans rien posséder, je ne manque de rien
Qui suis-je ?
Je suis ton ombre
" Le vent, qui chaque jour façonne les recoins de ce lieux…
et contre lequel la végétation mène une lutte permanente !"
Après avoir fait le plein d'ondes positives face à cette journée tout juste en éveil, on a repris la traversée,
gonflées par une soudaine envie de morde à pleine dents dans la vie,
sourire aux lèvres et pieds ensablés,
avec encore dans nos oreilles la douce mélodie de Maman Dlo…
« Moïse étendit sa main sur la mer,
et l'Éternel fit reculer la mer, toute la nuit par un vent d'est impétueux,
et il mit la mer à sec, et les eaux furent divisées.
Les enfants d'Israël entrèrent au milieu de la mer, dans son lit desséché,
les eaux se dressant en muraille à leur droite et à leur gauche »
Exode, versets 21 et 22.